Chapitre III – L’Église monastique et paroissiale

Fondation du Prieuré de Juziers

L’abbaye Saint-Père-en-Vallée de Chartres, devenue propriétaire de Juziers, vient y fonder un prieuré. Un acte fait à Juziers le 29 septembre 986 confirme son installation moins de dix ans après la donation.
Les bâtiments conventuels se situent au Bourg de Juziers, jouxtant l’église. Une place importante est réservée aux bâtiments agricoles car les moines gèrent les revenus des terres et reçoivent une part des récoltes : céréales, raisin ou vin.
Le prieuré de Juziers doit aussi sa prospérité à de multiples donations dont de nombreux textes font mention dès le XIe siècle.
Tout au long de son histoire, le prieuré de Juziers, dont l’église sert aussi de lieu de culte aux habitants, doit compter avec les interventions de l’évêque de Rouen dont dépend alors la paroisse. En tant que filiale de l’abbaye de Chartres, le prieuré jouit d’une certaine renommée ; ainsi en 1055, le Comte Gautier paraphe sur l’autel de l’église un acte de donation du prieuré de Liancourt fait en faveur de l’abbaye de saint-Père.

Donations et Exemptions
Dès le XIe siècle, le prieuré de Juziers bénéficie d’un grand nombre de donations et d’exemptions. On donne des terres cultivées ou incultes, des vignes, des prés ou des bois, des maisons même des églises ou bien encore des droits de péage, de navigation, de pêche. Actes de Gautier Le Blanc, du seigneur de La Roche, du vicomte Gautier de Meulan…
La vie du prieuré de Juziers nous est révélée par des actes consignés dans le cartulaire de l’abbaye de Chartres : jugements, procès, bulles papales, legs, litiges et tentatives de conciliations. …
Le souvenir de Letgarde ne fléchit pas, les termes de la donation sont respectés et les dons continuent jusqu’au milieu du XVe siècle.

Le prieuré change de statut
A Juziers, la situation se dégrade ; une visite de l’abbé de Saint-Père, le 17 août 1452, fait état de la grande misère qui sévit à Juziers, suite aux exactions de la guerre.
En 1480, l’abbaye est «mise en commende», le roi nomme un abbé qui n’est pas moine, ne réside pas dans son abbaye mais en tire les revenus.

Au XVIe siècle

Le procès verbal de visite du grand vicaire de Pontoise en 1524 fait état de la qualité du service divin.
Le roi François Ier intervient lui-même en 1527 pour refuser à l’évêque de Rouen de comprendre Juziers dans les taxes imposées car ce n’est plus un prieuré. En 1575, les terres et seigneuries de Juziers et Fontenay-Saint-Père sont baillées à Guillaume Touchard. Jusqu’à la Révolution, la gestion de Juziers sera assurée par un laïc.

Au XVIIe siècle

A partir des guerres de religion on constate la décadence du prieuré En raison de sa mauvaise gestion, l’abbaye perd les fiefs de la Sergenterie et du Mesnil, la ferme des Granges et celle d’Herval.
Juziers compte alors 350 feux et les revenus des terres se situent entre 5000 et 6000 livres.
Pour faire face au mal que constitue la commende, Saint-Père-en-Vallée adopte en 1650 la réforme de Saint Maur.
Dans un devis est établi en 1672 on évoque la séparation de l’église en deux parties : le chœur des moines et l’église paroissiale.
On s’étonne de voir encore en 1673, le seigneur du fief de la Sergenterie, Pierre Loré rendre «Foy et Hommage» à l’abbé Bérenger de Lorraine d’Harcourt et pour ce faire se présenter sans arme à la porte du seigneur, mettre genoux à terre et, chapeau bas, baiser la clenche et par trois fois appeler «monseigneur de Juziers» en frappant à la porte.

Au XVIIIe siècle

En 1700, le curé Semen demande que l’église soit restituée dans sa totalité au service des paroissiens et obtient satisfaction et le jour de Pâques de cette même année, l’autel des moines jusqu’alors dédié à saint Pierre passe sous la protection de saint Michel.

Le bail du 27 décembre 1752

L’abbé de Chartres, Lopès de La Fare cède ses droits à son neveu Pierre François Joseph Gabriel Lopès de La Fare par bail emphytéotique. Cet acte est un document précieux car il fait un état détaillé des charges et des lieux en triste état (on a bien noté l’état déplorable du clocher).Celui-ci a environ 50 m, coq compris.
Catastrophe ! Le 10 septembre 1753, le clocher s’écroule entraînant dans sa chute «le bec-froid et les cloches, la chute du clocher esvosa la voûte, la chapelle Saint Jean à droite, une partie du bas-côté de la nef et trois travées de la voûte de la nef». La restauration de l’église et la construction d’un nouveau clocher plus simple sont assurées par le marquis.
Trois nouvelles cloches sont baptisées le 30 juin 1754.

Suppression de l’abbaye Saint-Père-en-Vallée.

Le 19 juillet 1779 a lieu l’extinction et la suppression de l’abbaye bénédictine de Saint-Père-en-Vallée. Tous les biens et revenus sont rattachés au siège épiscopal de Chartres. Pour Juziers la situation reste la même car le bail emphytéotique court toujours. La paroisse Saint-Michel relève de l’évêque qui y nomme un curé (et un vicaire) aidé pour la gestion par les marguilliers. L’entretien du bâtiment est toujours à la charge du seigneur bailleur et ce, jusqu’à la Révolution.

Bail amphytéotique

 

 

Cahier de doléance Juziers

La Révolution à Juziers.

L’ouvrage très documenté de Michel Ozanne (1971) «Juziers pendant la Révolution 1789-1795» évoque fort bien cette période de profondes mutations.
Le lecteur pourra s’y référer pour plus amples détails sur cette période.
Afin de préparer les Etats Généraux de 1789, est rédigé un «cahier de doléances» (heureusement conservé).
En février 1790 a lieu dans l’église l’élection du nouveau «conseil municipal» en remplacement de l’ancienne assemblée démise de ses fonctions.
Le procès verbal de l’estimation des biens nationaux à Juziers est un document précieux car il donne un inventaire détaillé du domaine. Celui-ci sera acquis par Thomas Ribault de Nointel. Il ne conserve aucune prérogative ni charge concernant l’église. Désormais le «château du Bourg» est propriété privée indépendante de l’église qui, elle, tombe dans le domaine public.

 

 

L’église et son clergé.

Le curé Delécluze assure le service divin pendant cette terrible période. L’église est fermée au culte après la dernière messe célébrée le 10 nivôse an II (1793). La démolition est envisagée ; mais finalement un atelier de fabrication de salpêtre y est installé.
En mars 1794 «le ci-devant curé de Juziers» se réfugie à Paris. Vite arrêté, conduit à la Conciergerie, il décèdera peu après à l’hospice du Tribunal Révolutionnaire.
La population dans son ensemble traverse cette période troublée sans modifier sa façon de vivre.