2006 – Ferdinand Bac, un prince à Juziers

Ferdinand Bac 1859-1952  – UN PRINCE A JUZIERS

 

 

 

Un Bonaparte sans nom

Ferdinand-Sigismond Bach naît à Stuttgart le 15 août 1859. Son père, Charles-Henri Bach (1811-1870) est le fils illégitime de Jérôme Bonaparte, roi de Wesphalie et frère cadet de Napoléon 1er, et d’Ernestine de Puckler- Limbourg, comtesse de Loewenstein. La mère de Ferdinand, Sabina Ludovica de Stetten est la fille du baron Ferdinand-Sigismond de Stetten, qui s’est battu pendant quinze années contre Napoléon. La famille Bach vit en Allemagne, chaque année elle séjourne en France, au Palais Royal et à Saint-Cloud. C’est là que le jeune Ferdinand peut observer les personnalités politiques et artistiques qu’il rencontre.
Ferdinand fait ses études à Stuttgart, jusqu’à la mort brutale de son père en 1870 (au moment de la chute de Napoléon III). En 1873 il vient à Paris où il s’inscrit aux cours d’Ernest Renan, à l’Académie de peinture de Calarossi et travaille avec le peintre Bastien-Lepage.
En 1876, Ferdinand a 17 ans, il quitte définitivement le foyer familial pour voyager. II traverse le Tyrol à pied et rejoint Venise ou il rencontre Richard Wagner. II reste plus d’un an en Italie.

Les petites femmes de Bac
De retour à Paris en 1880, Ferdinand est introduit dans les milieux mondains et intellectuels par Arsène Houssaye, ami de son père. II rencontre Victor Hugo,Villiers de l’Isle Adam, Théodore de Banville … et Albert Robida, directeur du journal La Caricature, qui reconnaît tout de suite son talent d’illustrateur et publie ses premiers dessins signés Ferdinand Bach. En 1882/83, il francise son nom pour Bac.
Pendant près de trente ans, dessins d’humour et d’humeur et les «petites femmes de Bac» sont partout dans la presse: La vie Parisienne, L’Art et la Mode, La Caricature, le journal, Le Frou Frou, La Vie en Rose… mais aussi Le Figaro Illustré et Le Petit Marseillais. Plus de vingt publications reprennent ses dessins. Bac publie tellement qu’il en signe certains sous le pseudonyme de Cab.
Son premier livre Nos petits aïeux, destiné aux enfants est publié en 1893. Suivront un grand nombre d’ouvrages qui reprendront souvent ses dessins parus dans la presse. En dix ans plus de quinze albums aux titres évocateurs sont publiés, la Femme intime, Les Alcôves, Nos Femmes, Belles de nuit … A cette époque Ferdinand Bac est surnommé par ses amis « le Mondain ».
Dès 1892, Bac rencontre Yvette Guilbert, sa voisine à Montmartre. II fait pour elle trois affiches (très recherchées aujourd’hui) qui annoncent ses spectacles de la Scala, des Ambassadeurs et de l’Horloge. II dessine aussi pour la danseuse Loïe Fuller l’affiche de son premier spectacle à Paris. Yvette Guilbert, reine du music-hall, invite régulièrement ses amis dans sa villa «La Rive» de Vaux-sur-Seine, Ferdinand Bac découvre ainsi la région.

 

 

 

 

L’Ermitage de ]uziers
Après Vaux, Bac se rend souvent à Gaillonnet, au Prieuré de son ami l’écrivain Maurice Donnay. Il loue une maison à Dalibray et parcourt à pied la région. En 1898 il arrive sur les hauteurs de Juziers. Dans ses «Mémoires inédits» déposés à la bibliothèque de l’Arsenal, Bac raconte: «…je quittais mon gentil logis de la rue des Martyrs et m’installais avec tout mon mobilier, dans une villa fort banale mais avec une belle vue sur la Seine, sur les hauteurs de juziers.. Ceci en attendant un projet d’établissement plus éloigné encore des humains … j’avais acheté un terrain dans les bois d’Apremont dominant la vallée. Une suite de bois aux confins d’un petit village à flanc de coteau entre Dalibray et Juziers.
Pris par la hantise de la possession, mon sens de la propriété jusque-là endormi, s’était éveillé à 38 ans et j’acquis un petit domaine pour y élever un Ermitage où je comptais vivre, un port d’attache entre deux voyages annuels. Un pavillon dans le goût des petites maisons du XVIIIe siècle, fut construit au milieu des bois. Mais à peine avais-je posé la première pierre, que j’envisageais avec terreur l’idée d’y couler mes jours, et je m’assurais pour l’hiver, un très confortable logis 26 place des Vosges, ci-devant Place Royale où je fis transporter une grande partie de mon mobilier et de mes collections. Le reste meubla l’Ermitage où je me réservais de passer trois mois à la belle saison.
Ceci se passait en 1899, la dernière année d’un siècle que je ne savais pas encore apprécier à sa vraie valeur…»
Ferdinand Bac dessine les plans de l’Ermitage et du parc, il s’y installe en 1899. Il y séjournera cinq années pendant la belle saison, le reste du temps il voyage en Europe et travaille à Paris.
L’installation à Juziers, marque un tournant important dans la vie de Bac. II est bel homme, son talent est reconnu et il est courtisé par le tout Paris. Mais Bac qui doutait de lui-même, de son travail, de la vie parisienne se marie pour la première fois avec une jeune et charmante actrice, Alice Didier, dite May. Bac a bientôt 40 ans et abrite cet amour dans son Ermitage d’Apremont.
La période Juziéroise (1898-1907) est riche en création de dessins et en publication d’ouvrages. Bac ne vit pas en ermite, il organise des petites fêtes théâtrales chez lui et fait participer les habitants du village. Des scènes de la vie à Juziers sont rapportées dans un chapitre de son ouvrage La Fin des temps délicieux: « Les Folies dramatiques d’un Ermitage .., Dès que je fus installé dans ma «Folie» je voulus donner la comédie aux villageois … On jouait du Goldoni, fort mal, vous n’en doutez pas… Ces choses hilares se passaient aux chandelles dans une partie dégagée, derrière le Pavillon, le logis lui-même servait de décor, avec son mobilier de l’époque .,. » (Hachette, 1935)
1905, Ferdinand et Alice se séparent, Bac est meurtri par cet échec et vit seul le reste de sa vie. Il fera tout pour effacer les traces de cette union : May disparaît, les photos sont détruites et des documents sont falsifiés. Plus tard Bac dira: «Je ne nie pas avoir aimé les femmes, car j’estime qu’elles le méritent mais ce que je préfère c’est la Vie … Après 1900 je préférais l’inspiration et la création fertile dans la solitude.» (Mémoires inédits, Bibliothèque de l’Arsenal). Pour oublier, Bac part en voyage avec son ami Donnay. Il espace ses séjours à Apremont, et en 1908, il vend son Ermitage et tout ce qui est dedans à Monsieur Baron, qui lui propose d’y revenir un mois par an. Mais c’est la fin des visites de Bac à Juziers. En 1922, il repassera une dernière fois pour revoir sa maison qui, dit-il, n’a pas changé.

 

Le créateur de jardins
A partir de 1908, Bac cesse presque toutes ses publications dans la presse, il quitte Paris pour Versailles, fréquente les Salons littéraires et artistiques et rencontre Proust, Cocteau, Anna de Noailles, d’Annunzio … Le musicien Jules Massenet et l’abbé Mugnier deviennent ses intimes,
Les médecins lui recommandent de passer ses hivers dans le Midi de la France et c’est là qu’il se met à dessiner des jardins nés de son imagination et de ses souvenirs de voyages. A partir de 1911, Bac s’installe au Cannet et réaménage, à la demande de Madame de Croisset, sa villa. Une nouvelle carrière d’architecte décorateur de jardins commence alors pour Bac. Il transforme la Villa Fiorentina au Cap Ferrat et la villa Tatiana au Cap Martin.

Les Colombières 1
Les Colombières 2

En 1918, à 60 ans, Ferdinand Bac s’installe chez ses amis Ladan-Bockairy dans les bâtiments de la Surintendance à Compiègne. Il réaménage ce magnifique hôtel et dessine les jardins. C’est pour ses mécènes et amis que Bac réalisera son chef-d’œuvre, «Les Colombières» sur les hauteurs de Menton. Les Ladan-Bockairy lui donnent carte blanche pour édifier et aménager maison et jardins. Le domaine est transformé en une villa de style méditerranéen entourée de jardins étagés sur la colline.
Les Colombières ont été aujourd’hui restaurées et classées depuis 1991, les jardins sont ouverts au public au moment des « Journées du Patrimoine ».

Compiègne
Compiègne

L’écrivain mémorialiste
Entre 1906 et 1939, Ferdinand Bac rédige et publie une trentaine d’ouvrages (dont certains illustrés) que l’on peut classer en trois grandes catégories:
Les récits de Voyages: Le Voyage à Berlin, Promenade dans l’Italie nouvell.e …
Les récits romancés; La volupté romaine, Odysseus, Le Pèlerin amoureux….
Les biographies et mémoires: Souvenir d’exil, Intimité du Second Empire, La Princesse Mathilde, La Flûte et le tambour, Le Retour de la Grande Armée …
Ces ouvrages n’étant pas réédités sont aujourd’hui difficiles à trouver.

Ferdinand Bac vit ses dernières années à Compiègne, il continue jusqu’au dernier jour à écrire et dessiner. Il disparaît le 18 novembre 1952, à l’âge de 93 ans.
De nombreux documents et manuscrits inédit ont été déposés par ses soins à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, mais une très grande partie de son travail a été détruite pendant la guerre dans un incendie criminel à Rimont (Ariège). ..

«… Fourvoyé dans une carrière facile, je n’y ai point donné ma mesure. Un jour peut-être cette œuvre sera exhumée et représentera une valeur documentaire de ce temps… Ce jour est loin et je ne le verrai pas …» Ferdinand Bac (Mémoires inédits)

Courrier
BM2006-1
BM2006-2

SES CITATIONS (extraits de La flûte et le tambour).
– C’est dans les temps agités qu’il est le plus difficile de rester intelligent.
– Celui qui ne fait rien n’a jamais le temps de rien faire.
– Il faut être indulgent aux parvenus. Songez au surmenage qu’ils s’imposent toute leur vie pour disputer les honneurs à ceux qui les ont mérités.
– Celui qui ne fait rien n’a jamais le temps de rien faire.
– La forme la plus déplaisante de la peur se traduit par l’agressivité.
– Il n’y a plus de vices. Ils sont devenus des habitudes.
– La plus grande gloire pour un vieillard est de se voir aimé pour lui-même. Il a ainsi passé avec succès son dernier examen.